Café des Arts des Sciences et des Techniques
organisé par Ars Mathématica, accueilli par La Fnac Digitale, soutenu par la DRRT Ile-de-France,
et
diffusé sur le WEB par l'ECE
Neuvième Rencontre:

Art et Biologie / 1
ART et BIOTECHNOLOGIE
"La vraie poésie"
Fantasmes et usages de la biotechnologie dans la création littéraire et artistique


vendredi 24 juin 2005, 17H30-20H à La Fnac Digitale, 77-81 Bd Saint-Germain, Paris 6e (Odéon)
INTERVENANT / CONFERENCE

Hugues MARCHAL

Maître de conférences en littérature française, Université de Paris 3 - Sorbonne nouvelle.

Co-anime avec Anne Simon le séminaire Organismes : écriture et représentation du corps interne au XXe s.


ART, ÉVOLUTION ET BIOLOGIE / 1 et 2

Y-a-t-il une science qui échappe de nos jours à l'intérêt des artistes ? Dans la mesure où ceux-ci, depuis la Renaissance, participent à la découverte et à l'observation du monde, à l'élaboration et à la diffusion du savoir, il n'est pas un domaine qui n'ait suscité leur curiosité. Le fait nouveau réside dans l'élargissement de la notion d'oeuvre d'art . Quand un artiste au XVIIe siècle se penche sur la médecine, il peint tel REMBRANDT une superbe "Leçon d'anatomie", mais il ne se veut pas médecin. Quand, à notre époque, ORLAN fait modifier son propre corps par des chirurgiens, Edouardo KAC produit un lapin transgénique fluo, ne se posent-ils pas en démiurges ? Redéfinir l'oeuvre d'art et repenser le rôle de l'artiste, voilà sans doute les questions fondamentales que pose le BIO-ART ou ART BIOLOGIQUE, et sur lesquelles nous vous proposons de débattre avec nos conférenciers lors de nos 9e et 10e Cafés des Arts des Sciences et des Techniques, les vendredi 24 juin et vendredi 16 septembre 2005, de 17H30 à 20H00 à LA FNAC DIGITALE, Paris 6e.

ART et BIOTECHNOLOGIE

En 1769, dans Le Rêve de d'Alembert, Diderot a prêté à Julie de Lespinasse et au médecin Bordeu le dialogue suivant : " Melle de Lespinasse – Que pensez-vous du mélange des espèces ? […]. Bordeu — Votre question est de physique, de morale et de poétique. Melle de Lespinasse – De poétique ! Bordeu — Sans doute ; l’art de créer des êtres qui ne sont pas, à l’imitation de ceux qui sont, est de la vraie poésie".


Au vingtième siècle, cette "vraie poésie" semble devenue pratique routinière pour les généticiens. Comment la création littéraire et artistique a-t-elle réagi à l'apparition de techniques de fabrication ou de manipulation du vivant, qui lui offrent de nouvelles matières ? Le code génétique, s'il est un texte, peut-il se recomposer poétiquement ? Le poème, qu'une longue tradition compare, pour sa structure, à un organisme, doit-il changer de forme pour suivre l'évolution des savoirs en la matière ? Peut-on créer une chimère à des fins esthétiques ? Signer un animal d'art ?
En étudiant des textes d'auteurs comme Henri Michaux, Christian Prigent ou Christophe Hanna (qui compare la poésie à une arme virale), ou des œuvres d'artistes comme Orlan ou Eduardo Kac (dont la pièce Genesis inscrit des fragments de texte dans le patrimoine génétique de bactéries), on évoquera des cas d'emprunts ou de collaboration entre créateurs et scientifiques, et on s'interrogera sur la portée critique des fantasmes ou des usages du vivant présentés par ces œuvres.

A la question posée en 1945 par le physicien E. Schrödinger « Qu’est ce que la vie , » la seconde moitié du XX ème siècle n’a répondu que très partiellement, en tentant d’acclimater en biologie les révolutions conceptuelles et les techniques de la chimie, de la physique et des mathématiques.
La cybernétique et la thermodynamique des processus irréversibles ont ancré les concepts liés à la description des systèmes ouverts . La cristallographie et la chimie ont fourni la structure de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et ouvert la voie à la biologie moléculaire en décryptant des maillons centraux de la génétique. La théorie de l’information et les théories du calcul informatique peinent à interpréter les données accumulées par la biologie moléculaire. Les grandes avancées de la dynamique non-linéaire, marquée par la découverte du chaos déterministe, tout en ouvrant la voie vers la compréhension des systèmes complexes et de l’auto-organisation, n’ont pas permis de dégager des principes spécifiques du vivant et de son évolution.

Il n’ y a pas de Biologie Théorique au même titre où l’on parle de Physique Théorique. Un constat qui ressort bien de la lecture du dernier livre de E. Fox Keller : « Expliquer la vie ».
C’est dans ce contexte que l’explosion des biotechnologies inquiète, car la puissance des manipulations génétiques se trouve mal encadrée par l’état général des connaissances biologiques. De plus, en bousculant de nombreux cadres de référence, les pratiques biotechnologiques viennent ajouter leur part de trouble dans la perception contemporaine du réel. Un réel qui apparaît de plus en plus comme une construction de l’esprit, ou qui tout au moins doit composer avec le sujet connaissant. Un univers où l’objectif et le subjectif, le naturel et l’artificiel se distinguent mal, et où le réel et l’imaginaire se trouvent emmêlés.



Face aux biotechnologies, la pratique artistique doit assumer les incertitudes de la science et la confusion des genres de la technologie.
L’art joue à la fois un rôle de diffusion et de vulgarisation de la connaissance scientifique et technique, et un rôle de réservoir d’imaginaire permettant d’acculturer et d’étendre la connaissance du monde par la science. Dans ce rôle médiateur l’art doit sans cesse se renouveler au risque d’y perdre sa propre perception sociale.
Les artistes ne cherchent pas à faire concurrence aux généticiens ou aux chirurgiens plastiques, mais à placer les exploits de ces ingénieurs du vivant dans une lumière culturelle qui en favorise l’intégration émotionnelle et rationnelle. Ce n’est pas le lapin vert transgénique d’E. Kac qui est une œuvre d’art, mais c’est la mostration publique de ce lapin qui en suscitant l’émotion devient un événement de la sphère artistique. L’art défend une stratégie de la conception du monde où la démarche ludique joue un rôle tout aussi important que l’approche rationnelle.

Loin de constituer une de ces provocations dont l’art contemporain est coutumier, l’art biotechnologique acquiert une légitimité de par la fonction naturelle qu’il remplit. C’est bien ce qui apparaît dans la création ces jours ci à la Faculté des Sciences de l’Université d’Amsterdam d’un centre « The Arts and Genomics Center ». Première mondiale d’une institutionnalisation de la collaboration entre l’Art et la Science.

Art and Genetics Bibliography. Leonardo Online. 
http://mitpress2.mit.edu/e-journals/Leonardo/isast/spec.projects/art+biobiblio.html 

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The Arts and Genomics Center.    http://www.artsgenomics.org

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http://www.viewingspace.com/genetics-culture.htm

Dossier art biotech.  http://www.transfert.net/d52

DOC(K)S. Revue de poésie expérimentale. Numéro en chantier : « De la nature » De l’imitation au clonage……
http://www.sitec.fr/users/akenatondocks/


A. PICHOT. Histoire de la notion de gêne. Flammarion. Champs. Paris. 1999.

E. FOX KELLER. Expliquer la vie. Modèles , métaphores et machines en biologie du développement. Gallimard. Paris. 2005.

H. MODE. Démons et animaux fantastiques. Aux Quais de Paris. Librairie G. Kogan. 1977.

CHIMERES. Monstres et merveilles de la mythologie aux biotechnologies. Catalogue d’exposition. Actes Sud. 2003.

Les monstres de la renaissance à l’age classique. Livre-exposition.
http://www.bium.univ-paris5/monstres

R. CONTE, ed. L’art contemporain au risque du clonage. Editions Publications de la Sorbonne. Paris. 2002.

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L. POISSANT et E. DAUBNER, eds. Art et biotechnologies. Presses universitaires du Québec. 2005.

Suzanne ANKER  http://www.geneculture.org
Ellen K. LEVY  http://www.wetlab.org
Eduardo KAC.  http://www.kac.org
Symbiotica.  http://www.symbiotica.uwa.edu.au
Anne Esperet. http://www.esperet.com
Art Orienté objet. http://artorienteobjet.free.fr

IMAGES ET VIDÉO DE LA RENCONTRE




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