Café des Arts des Sciences et des Techniques
organisé par Ars Mathématica, accueilli par La Fnac Digitale, en partenariat avec l'ECE
Vingtième Rencontre:



Simon DINER
ART ET CYBERNÉTIQUE

vendredi 29 septembre 2006, 17H30-20H à La Fnac Digitale, 77-81 Bd Saint-Germain, Paris 6e (Odéon)
INTERVENANT 

Simon DINER

Philosophe, epistémologue, physicien théoricien, ancien Directeur de Recherche au CNRS.

CONFÉRENCE
Art et cybernétique
Eloge du simulacre


Les foires et expositions auraient peur de perdre leur réputation
si elles ne faisaient les frais de quelque attraction « cybernétique ».
Mais on est pas obligé pour autant de réduire l’activité cybernéticienne
à une sorte de concours Lépine supérieur.
Même en laissant de côté la ménagerie électronique et la mythologie des machines,
il reste un énorme disparate où le travail scientifique le plus sérieux
côtoie des intuitions aventureuses : l’expérience et l’usage feront le tri.

G.-Th. Guilbaud
La cybernétique
Que sais-je. PUF
1954


 Le but de toute activité structuraliste, qu’elle soit réflexive ou pratique
est de reconstituer un « objet » de façon à manifester dans cette reconstitution
les règles de fonctionnement de cet objet. La structure est donc en fait un simulacre de l’objet
                 
Roland Barthes


Une analyse détaillée des idées fondamentales du mouvement cybernétique révèle les difficultés et les ambiguïtés liées aux tentations de créer un art s’inspirant de la cybernétique. Car la cybernétique n’est pas tant un moment de l’histoire des techniques ou de l’ingénierie qu’une étape essentielle de l’évolution des idées épistémologiques. La formulation explicite d’une doctrine de la modélisation du fonctionnement. Tout au plus peut on parler d’une convergence de préoccupations entre démarche scientifique et production artistique autour des années 60. Dans l’esprit d’abstraction et de formalisation  qui domine le siècle. Dans cette confrontation incessante entre représentation et ressemblance qui tisse la problématique de la mimésis.

 La cybernétique a donné corps et statut à une démarche épistémologique générale dont les manifestations ont bien souvent précédé la formulation cybernétique. Il s’agit d’une démarche de modélisation du réel qui privilégie les relations entre les objets au dépens de leurs propriétés intrinsèques, les propriétés au dépens des attributs, les qualités secondaires au dépens des qualités premières, les causes formelles au dépens des causes efficientes. C’est là le sens profond de toute description par entrées-sorties d’une boîte noire, qui met l’objet ontologiquement entre parenthèses, le dépouille de toutes ses qualités et l’habille de ses relations avec le monde qui l’entoure.

C’est précisément la démarche adoptée par la mécanique quantique vis à vis du monde microphysique. C’est aussi la démarche de la mathématique et de la logique modernes où l’on ne se soucie pas de ce que représentent les symboles et où l’on construit une syntaxe pure fondée sur les relations.

N’ayant pas réussi à s’imposer sur le plan des résultats la cybernétique a cependant vu son idéologie de la modélisation devenir une des composantes essentielles de la pensée contemporaine. Au point qu’un auteur comme C. Lafontaine a pu parler de la constitution d’un « empire cybernétique ». Cette empreinte idéologique sur la culture provient de ce que «  Matrice de la techno science, la cybernétique correspond dans les faits à un projet de connaissance axé sur le contrôle opérationnel plutôt que sur la recherche fondamentale destinée à mieux comprendre un phénomène donné ». La cybernétique, en concrétisant un besoin de représentation du réel aux prises avec les difficultés de l’objet « en soi » a fini par s’identifier à toutes les tentatives d’escamotage du sujet au profit d’un champ de relations. Devenant ainsi une des positions fortes de l’épistémologie contemporaine à travers des courants comme le constructivisme  [1]ou le réalisme structural [2].

[1] Le constructivisme est une attitude épistémologique considérant que la connaissance ne consiste pas à prendre acte de la réalité mais se trouve le résultat d’une construction mentale. Une attitude opposée au réalisme, à l’empirisme et au positivisme. La cybernétique de par sa vocation modélisatrice est éminemment constructiviste.

 [2] Le réalisme structural pense qu’à l’intérieur d’un cadre théorique donné, ce ne sont pas les entités théoriques qui sont douées de réalité mais les relations entre ces entités. Les théories ne nous parlent pas des objets dont le monde est fait mais de structures et de relations. Il existerait des isomorphismes entre les lois de la nature et leur représentation mathématique. Une bonne théorie serait donc un reflet de la réalité structurale de la nature. Une telle pensée sous-tend toute l’activité de modélisation et de simulation en cybernétique.


Cybernétique et structuralisme poursuivent les mêmes buts :
désontologisation et modélisation du comportement.

L’art de la seconde moitié du XXème siècle s’est bien souvent nourri aux mêmes principes.


 L'étude complète de Simon DINER sur Art et Cybernétique,

 au format PDF.

Quelques bonnes lectures:

 
F. Heylighen, C. Joslyn and V. Turchin, eds. Principia Cybernetica . Web (1991-2001)  http://pcp.vub.ac.be

 J. Segal. Le Zero et le Un. Histoire de la notion scientifique d’information au XX° siècle. Editions Syllepse. Paris. 2003.

 J.P. Dupuy. Aux origines des sciences cognitives. La découverte. Paris. 1992.

 V. Pratt. Machines à penser. Une histoire de l’intelligence artificielle. PUF. Paris. 1995.

 K. Hayles. How we became post human. Virtual bodies in cybernetics, literature and informatics. University of Chicago Press. 1999.

 C. Lafontaine. L’empire cybernétique. Des machines à penser à la pensée machine. Seuil. Paris. 2004.

 E. Shanken. Cybernetics and arts. Cultural convergence in the 1960s.

 E. Shanken, ed. Is there love in the telematic embrace? Visionary theories of art, technology and consciousness by Roy Ascott. University of California Press. 2003

 N. Goodman. Langages de l’art. Jacqueline Chambon. Nimes. 1990.

 W. Tatarkiewicz. Mimesis. Dictionary of the History of Ideas.

 http://etext.lib.virginia.edu/DicHist/dict.html  

 Z. Mitosek. Mimesis.  Dictionnaire International des Termes Littéraires.

 http://www.ditl.info

 R. Muller. Nombreux écrits sur le concept de modèle et son histoire.

 http://www.muellerscience.com/NavStartenglish.htm

 
 A. Bureaud et N. Magnan. Connexions. Art, réseaux, média. Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts.
Paris. 2002.

 M.J.M. Bijvoet. Art as inquiry.

http://www.stiching-mai.de/hwg/amb/aai/art_as_inquiry_00.htm     

 
R. Frigg and S. Hartmann. Scientific models. S. Sarkar et al. ,eds.The philosophy of Science: An encyclopedia. Routledge.
London. 2005.

 R. Frigg and S. Hartmann. Models in science. Stanford Encyclopedia of Philosophy. 2006

 J. Koperski. Models. The Internet Encyclopedia of Philosophy. 2006.

 Sciences et Avenir Hors Série. Les fictions de la science. N°147. Juillet-Août. 2006.

E. Couchot et N. Hillaire. L’art numérique. Comment la technologie vient au monde de l’art. Champs. Flammarion. 2003.

Note de Christian LAVIGNE, Secrétaire Général d'Ars Mathématica, co-fondateur d'INTERSCULPT et du WEB CAST:

Ce livre n'est  pas "une bonne lecture".  Les auteurs réussissent l'exploit de ne pas y dire UN SEUL MOT de la sculpture numérique qui est née et s'est développée en France, et qui est l'un des mouvements les plus nets, les plus internationaux et les plus structurés des arts électroniques. Ces auteurs sont des boufons, comme la plupart des prétendus spécialistes français des arts numériques - je persiste et je signe.

C. Gianetti. Aesthetics of the digital. 2004.

            http://www.medienkunstnetz.de/themes/aesthetics_of_the_digital

 
“L’oeil moteur. Art optique et cinétique”. Catalogue d’exposition du musée d’Art Moderne et contemporain de Strasbourg. 2005.

 P.Arnaud. L’oeil multiplié: l’extension cybernétique de la conscience perceptive.

P. Rousseau. Folklore planétaire : le sujet cybernétique dans l’art optique des années 1960.


Appendice

Le plus grand festival d’art électronique

Ars Electronica à Linz

vient d’organiser une journée de conférences sur l’art et la cybernétique

Une belle manifestation Art et Science

 

Ludwig Boltzmann Institute Media.Art.Research

Linz

Ars Electronica Festival 2006

31 Août 2006

Conference

When cybernetics meets aesthetics

31. 8. 2006 / Lentos Kunstmuseum

Barbara Büscher Cornelius Borck Claus Pias Edward Shanken Margit Rosen Jasia Reichardt

In the 1950s and ‘60s, cybernetics was a source of new ideas and engendered new approaches in fields ranging from the natural sciences to politics and even art. The meta-disciplinary analysis of control, regulation and feedback processes was said to be the way to bridge the gap between “two cultures”—technology and the natural sciences on one hand and the arts and humanities on the other. The basic principles of such a “third culture” had already begun to be formulated at the Macy Conferences (1946–53), whose think tank gave rise to cybernetics.

The scornfully dismissed and long-forgotten utopian potential of cybernetics was rediscovered a few years ago and has since been put forth as a model accurately describing the current state of a network-linked, trans-disciplinary society. The gist of this hypothesis is that yesterday’s science fiction has, in the meantime, quietly come true but there’s still been no sign of a grand, all-encompassing theory about a society’s conception of self that results from this. The term cyberspace—derived from cybernetics and widely used in the ‘80s and ‘90s—has, in retrospect, rather confused matters with respect to cybernetic concepts or reduced them to technical solutions.

To this day, technically advanced media art stands—both ideologically and factually—with one foot in each of these “two cultures,” a situation manifested very poignantly by its unsuitability for either display in a traditional museum setting or implementation in the technology of everyday life. And this is precisely why the media art euphoria of the ‘90s has since given way to increasing uncertainty about what such pieces have in common and what sets them apart from works in other genres, since, in the wake of the complete mediatization of society and culture, media art seems to have lost its special uniqueness and thus the credentials entitling it to legitimacy and esteem.

“When Cybernetics Meet Aesthetics” is the title of a conference that will bring the revaluation of cybernetics to bear as a potentially decisive contribution to the dialog focused on the necessary redefinition of the status of media art. Can the ever-more-blatant opposition of the “two cultures” ultimately attain convergence in artistic-technical work with media? Can the modern-day “art of complexity” of simulating social networks, natural systems of rules, and the dynamics of feedback effects at work in the economy be understood as cybernetic processes? Which current prospects are opened up by reviewing the theory and practice of the cybernetic art of the 1950s and ‘60s?

These considerations are meant to serve as the point of departure for the process of positioning the Ludwig Boltzmann Institute Media.Art.Research that was founded in
Linz in 2005. This institution’s mission is to take a holistic scholarly perspective in dealing with the fundamental principles of documenting and describing media art and digital culture, and thus to be in a position to host a dialog that might occur at the nexus of the “two cultures.”

The speakers at this conference are scholars of media, culture and art who are contributing to the revival of cybernetics as well as contemporary eyewitnesses to the origins of cybernetic art.

Organizer: Ludwig Boltzmann Institute Media.Art.Research.
In cooperation with the
University of Vienna’s Department of Philosophy

Concept: Prof. Dr. Dieter Daniels in collaboration with Prof. Dr. Claus Pias (
University of Vienna)

IMAGE ET VIDÉO DE LA RENCONTRE



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